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Apr 25, 2001

interview: "Le consensus néolibéral en Palestine"

2011-04-26
[en] [it]
Plus tôt ce mois-ci, la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International et le Coordinateur Spécial des Nations Unies pour le Processus de Paix au Moyen Orient (UNSCO) ont publié chacun des rapports qui soutiennent le programme de l’Autorité palestinienne de mise en place d’un état. Ils prétendent que, du point de vue des institutions, l’AP est prête à établir un état dans un avenir proche.

En août 2009, l’AP a publié un document de stratégie [PDF], intitulé « Fin de l’Occupation, Construction de l’État. » Le Programme de mise en place d’un état indique que l’instauration d’un état palestinien d’ici deux ans « est non seulement possible, mais aussi essentiel. » L’AP insiste sur la construction de « solides institutions d’état susceptibles de pourvoir aux besoins de nos citoyens, malgré l’occupation. » En ce qui concerne le système économique, le programme indique que « la Palestine se fondera sur les principes d’une économie de marché. »

Récemment, les économistes palestiniens Raja Khalidi et Sobhi Samour ont publié un article très critique à l’égard de la politique néolibérale de l’AP, dans le Journal of Palestine Studies, intitulé « Le Néolibéralisme en tant que Libération : Le Programme de mise en place de l’État et la Réfection du Mouvement National Palestinien. »

Khalidi et Samour soutiennent que le programme de mise en place d’un état « ne peut réussir ni en tant qu’accoucheur d’indépendance, ni en tant que stratégie pour le développement économique de la Palestine. » Ils déclarent que l’AP offre aux Palestiniens qui vivent en Cisjordanie occupée « un programme basé sur le fait de produire croissance et prospérité sans aucune stratégie de résistance ou de défi aux mesures d’occupation. »

Le collaborateur de l’Intifada Électronique Ray Smith a interviewé Raja Khalidi, économiste supérieur à la Conférence de l’ONU sur le Commerce et le Développement (CNUCED /UNCTAD), au sujet de la politique économique de l’AP et de ses implications pour l’instauration d’un état. Les opinions exprimées dans cette interview ne représentent pas celles du secrétariat de l’ONU.
Ray Smith: Que pensez-vous de l’éloge unanime de la part de ceux qui dirigent les institutions internationales ?

Raja Khalidi: De tels rapports ne me rendent pas particulièrement heureux, et je m’inquiète de leur véracité. Il existe un grand contraste entre ces déclarations et la réalité politique sur le terrain et il y a plusieurs problèmes au sujet de ces opinions. Ils prétendent que l’AP est maintenant au-dessus du « seuil » pour l’instauration d’un état viable, qu’elle a répondu aux divers critères requis par ces institutions pour avoir droit à devenir un état. Ce genre de modèle générique utilisé pour évaluer des questions complexes où qu’elles soient, concernant le gouvernement, présente un problème général. Dans le cas de la Palestine, le vrai problème est que de tels critères et des seuils arbitraires n’ont rien à voir avec la réalité, ni avec le gros éléphant dans la pièce de la gouvernance palestinienne, à savoir l’occupation israélienne.

Donc aujourd’hui, voilà ce qui importe vraiment : Que se passera-t-il en septembre, quand tout cela changera, quand, au mieux, la position diplomatique officielle deviendra « l’État palestinien » ? Qu’est-ce qui fera changer cet état virtuel en un vrai état ? Personne ne semble aborder ce problème. On ne parle que de peaufiner cet état virtuel, le réformer et le réparer, ajouter des services par ci, privatiser par là, économiser par ci et réduire le budget par là. C’est comme la façon dont les donateurs et les institutions internationales abordent la performance d’un pays normal à revenu moyen. L’AP semble présumer que, par la volonté du peuple, ces citoyens qui se montrent capables de respecter les feux de signalisation, de payer leurs factures d’électricité et de ne pas porter de fusils en public, le statut d’état « s’imposera. » D’une manière ou d’une autre, le statut d’état « arrivera tout simplement » en septembre, parce que techniquement, tout est prêt.

RS: Selon des rapports récents, la Palestine semble bien réussir au point de vue économique. Vraiment ?

RK: Eh bien, nous constatons certainement une « bulle économique ». On a vu ça avant dans les années 80 et 90, mais les bulles ont éclaté à la fin ou ont été écrasées par les chars israéliens. La croissance économique de 9% en 2010 a été alimentée principalement par des donateurs, l’aide et une reprise des investissements privés en Cisjordanie, et aussi par l’économie des tunnels florissante dans la bande de Gaza. Ce n’est un secret pour personne que La « croissance » a lieu principalement dans les zones A et B, non dans la zone C, le sud de la Cisjordanie, ni la vallée du Jourdain, tandis que, de toute façon, Gaza et Jérusalem, sont en réalité exclues de la carte de la croissance. Donc c’est à peu près la moitié de la population palestinienne sous occupation, qui jouit de la reprise économique. [Note de la rédaction : Selon les Accords d’Oslo, la Cisjordanie occupée est divisée en trois secteurs : Zones A, B et C. L’AP détient le contrôle de la sécurité dans la zone A et partage le contrôle avec Israël dans la B. La zone C qui représente 60% de la Cisjordanie, est sous contrôle israélien].

La priorité accordée à l’accès au seuil de l’indépendance, n’était pas une complète perte de temps. Elle a certainement aidé à composer au moins l’image d’un état qui fonctionne. Tout ceci cependant, au risque de voir l’AP se satisfaire de l’image d’un état qui fonctionne et les « citoyens » accepter ce qui leur semble une vie normale. Bienvenue à la « paix économique » de la Palestine ! En fait, les Palestiniens doivent s’en contenter et la déguiser autant que possible pour un avenir indéterminé, sans latitude pour prendre de vraies décisions économiques qui ne s’arrêtent pas à l’organisation de services et qui aident à créer les conditions pour mettre fin à l’occupation plutôt que coexister avec celle-ci.

Donc, en tant qu’économiste du développement, je me méfie instinctivement des bulles comme celle-ci, spécialement si on tient compte du cours spécifique de l’histoire et des changements structurels qui empêchent cette croissance de progresser.

RS: Avez-vous d’autres préoccupations ?

RK: Mais oui, voilà mon deuxième point : On prétend que la situation est bien meilleure au niveau des institutions qu’elle ne l’était en 2000 ou 2005. Si celles-ci avaient été en place en ce moment-là, qu’est-ce qui aurait empêché l’état de fonctionner ? Si on se souvient d’Oslo, l’état était censé être établi d’ici la fin des années 90. On pensait que cinq ans devaient suffire. Ce qui était là, on le supposait, pouvait être transformé en un état d’une façon ou d’une autre. Évidemment, aujourd’hui la transparence dans la finance publique s’est améliorée, mais en fin de compte, le contrôle des finances est toujours entre les mains d’une personne, comme c’était au temps du soi-disant corrompu Yasser Arafat [feu Président de l’Organisation de Libération de la Palestine]. Il est certain que les principales institutions publiques fonctionnent. Elles fournissent leurs services. Mais elles faisaient ça avant aussi ! Ce n’est pas comme si elles ne fournissaient pas des services il y a dix ou cinq ans, ou ce qui empêchait l’état d’être établi était ce défaut.

Selon la fiche de score de toute la réforme institutionnelle, que tiennent l’AP et les donateurs, par ces critères, c’est seulement maintenant que le droit des Palestiniens à l’autodétermination peut se discuter, puisque les Palestiniens se sont montré capables de se gouverner eux-mêmes. Alors, ça veut dire que la raison pour laquelle ils ne pouvaient pas le faire depuis 1988, moment où ils avaient déclaré leur indépendance pour la première fois, en accord avec les résolutions de l’ONU, c’était à cause de leurs propres défaillances institutionnelles qu’on a mis vingt ans à discuter ? Sans apporter quoi que soit d’utile, on s’éloigne du point de mire qui est nécessaire pour bien bâtir un état et diriger le développement économique d’une économie déchirée par la guerre.

Ma troisième préoccupation concerne le type d’économie qui est en train de s’établir. Supposons que d’ici septembre, un état palestinien soit en place et qu’Israël se retire. Quel genre d’économie envisage-t-on ? On parle d’un système commercial très ouvert, de la perpétuation de la structure du Protocole de Paris et de la soi-disant « union douanière », de la conformité avec les normes de l’Organisation du Commerce Mondial, sans politique monétaire ou macroéconomique autonome ni responsabilité fiscale etc. Mais tout économiste de l’UNCTAD vous dira que ce n’est pas la bonne façon d’aborder une telle situation.

RS: Selon les tout derniers chiffres, la production industrielle a baissé. Quelles sont les conséquences possibles de cette tendance pour l’avenir de l’économie de la Palestine ?

RK: À l’UNCTAD, nous estimons qu’un tiers environ de la capacité de production existant avant la deuxième intifada, a été perdu. Il est certain qu’il faut investir dans l’économie pour renforcer en partie les éléments nécessaires aux besoins domestiques. À mon avis, rien de ça ne se passe en Palestine, sauf quelquefois dans certains secteurs spécialisés. Et pourquoi pas ? Comment pouvez-vous sortir d’un conflit avec une économie déchirée par la guerre, si vous voulez que votre état tienne debout, sans capacité intérieure de production industrielle ? Tous ces rapports montrent qu’il n’y a eu presque aucun changement dans les taux élevés de chômage et de pauvreté.

Par conséquent, on a tout simplement tort d’encourager la croissance et le développement en vue de l’exportation. Cela n’a pas marché dans le contexte palestinien et cela n’a marché pour les autres qu’à des stades très différents de développement. Cela pourrait arriver plus tard, mais certainement pas maintenant. Qui plus est, si, en septembre nous allons avoir une sorte d’état palestinien, son accès aux marchés restera fermement entre les mains d’Israël. Alors, de quelle sorte de croissance à vocation exportatrice parlons-nous ? Toutes les expériences récentes de fondamentalisme de marché néolibéral partout dans le monde et beaucoup d’expériences de stratégies de croissance tournées vers l’exportation dans des économies tout aussi faibles en Afrique, sans parler de l’Afrique du Nord : toutes ont manifestement échoué, et dans cette dernière, c’est spectaculaire ! Pourtant, l’AP fait des projets pour ce genre d’économie. Voilà un dicton qui convient parfaitement : « Ils vont au hadj quand les pèlerins en reviennent. »

RS: Quels sont les piliers-clés du programme néolibéral de l’AP ?

RK: Au moins en Cisjordanie, le néolibéralisme est omniprésent dans tous les secteurs de la politique économique et de la vie sociale. Parmi les options disponibles, en considérant d’attirer des investissements dans les domaines fiscaux, commerciaux, monétaires, industriels ou étrangers, l’AP a choisi la voie néolibérale, par exemple la poursuite de l’intégration complète dans l’économie israélienne ou la libéralisation maximale du régime commercial. Le développement tourné vers l’exportation, comme je l’ai déjà dit, est censé être la seule politique optimale pour les pays en voie de développement, et l’intégration dans une économie israélienne supérieure la meilleure option. On s’imagine qu’une telle stratégie de développement permettra l’intégration avec la tendance de longue durée de l’économie israélienne dont les statistiques montrent de façon brutale que l’écart salarial est la vraie tendance dans les relations économiques palestino-israéliennes depuis quarante ans.

En effet, si nous considérons l’économie arabe en Israël depuis 1948, au fond, le rapport des ressources économiques palestiniennes avec le capital israélien et les conditions préalables au développement, est le même. De plus, on dit partout que l’état palestinien doit permettre « la croissance stimulée par le privé ». Ça a plutôt l’air d’un bobard, le secteur public palestinien n’existant pas en tant qu’agent économique, et aujourd’hui, il n’y a presque plus rien à privatiser. Cependant, le commun des mortels souffre de la privatisation.

Prenons l’exemple de la distribution d’électricité. Allez dans la vallée du Jourdain ou dans le sud de la Cisjordanie la nuit et vous verrez, sur les flancs des coteaux, des villages éclairés à la bougie. On a introduit de force des compteurs électriques prépayés, pour contribuer à l’exercice de réduction du budget de l’AP, selon les dispositions de l’accord collectif de Washington, mais évidemment beaucoup de pauvres ne peuvent pas payer et on délaisse tout simplement les « filets de sécurité sociale » habituels.

À mon avis, adopter aveuglément un tel programme politique est une des plus graves erreurs de l’AP ; assurément, c’est défavorable au développement et à la libération, deux choses dont les Palestiniens ont le plus besoin. De quoi l’économie palestinienne a-t-elle besoin ? Elle a besoin de se reconstruire. La capacité de production doit être reconstituée systématiquement et l’investissement affecté en conséquence. Une reprise viable ne peut pas simplement dépendre du marché. Il faut prendre des décisions : Quelle sorte d’industrie voulons-nous ? Quelle sorte d’agriculture ? Et la sécurité alimentaire ? Et les ressources naturelles : les champs de gaz naturel, les ressources de la Mer Morte, l’eau ? Où est le programme politique et quelles sont les institutions de l’état indépendant et souverain palestinien permettant d’aborder ces aspects stratégiques de sécurité économique intérieure ?

RS: Quand le tournant néolibéral a-t-il commencé ?

RK: Cela remonte aux années 90, à la Conférence de Paix de Madrid, au processus de paix d’Oslo, à la mondialisation et au rôle progressif des institutions financières internationales en Palestine. En particulier, la Banque Mondiale et de plus en plus le FMI ont laissé leur empreinte dans la façon de penser des élites qui décident. Et naturellement, la propre expérience du Premier Ministre [Salam] Fayyad est importante : Il vient du FMI, tandis que le DG du Fond d’Investissement Palestinien, Muhamad Mustafa, a été élevé à la Banque Mondiale voisine. Je ne le leur reproche pas, du fait qu’ils ne peuvent vraiment réfléchir à ces questions que dans le même système de référence. Mais il est étonnant qu’il y ait si peu de pensée économique différente issue de la Palestine.

Pour le reste, sur le plan de l’activisme, des droits de l’homme, de l’engagement dans la société civile etc., il existe une pensée intellectuelle et la Palestine reste une avant-garde pleine de vitalité. Alors, pourquoi se fait-il que seulement quelques-uns mettent en doute la démarche néolibérale de l’AP ? Voilà pourquoi Sobhi Samour et moi, nous avons écrit cet article dans le Journal of Palestine Studies. Les choses sont si évidentes, malgré tout personne n’en dit rien et nous avons pensé que cela devait être dit, à cette occasion par deux économistes palestiniens.

RS: Quel est le succès de la force, du consentement et de la persuasion dans le contexte palestinien ?

RK: L’accent sur la réforme palestinienne, l’instauration d’institutions, les dépenses sur le développement et l’opération de prestige, a fourni l’élément de sécurité, spécialement l’association fructueuse avec les instructeurs militaires américains et l’armée israélienne, qui assure une « période de calme » en Cisjordanie depuis 2007, réduisant en même temps, il semble, le poids des dépenses militaires et le coût de l’occupation. De plus, après toutes ces années de lutte sans issue, la modernisation, la transition vers une sorte de normalité, la paix et la vie normale, c’est attirant et convaincant, tandis que les emplois fournis par l’AP maintiennent un groupe qui représente un tiers des salariés – ça compte beaucoup pour persuader !

L’assentiment va encore plus loin, je veux dire qu’il y avait des élites qui attendaient ce genre de situation. En Cisjordanie, il y a de nombreux entrepreneurs, des prestataires de services de luxe, des promoteurs et des spéculateurs immobiliers qui gagnent bien leur vie actuellement, tandis que, dans la bande de Gaza, une nouvelle élite de plusieurs centaines de chefs d’entreprises et de profiteurs est apparue grâce à l’économie illégale des tunnels. À mon avis, tous ces personnages sont très influents dans le « consensus » actuel.

RS: Est-ce que la division entre le Fatah et le Hamas contribue à tout ceci ?

RK: En ce qui concerne la Cisjordanie, la division a certainement facilité la situation. Si Hamas avait participé aux prises de décisions, ce programme aurait rencontré beaucoup plus de résistance, du fait que la pauvreté et le chômage qui en auraient résulté, auraient provoqué des troubles et de la tension politique dans les rangs du Hamas. Cependant, à l’heure actuelle, il se passe beaucoup de choses dans la région, étant donné que le peuple rejette l’autoritarisme. Autant que politiques, ces révolutions étaient aussi socioéconomiques. Cette vague va frapper la Palestine d’une façon ou d’une autre, quel que soit le dilemme sur ce qu’il faut faire de l’occupation.

RS: Et le mouvement palestinien du 15 mars qui cherche à mettre fin à la division ?

RK: À mon avis, la nouvelle génération n’a confiance en personne. Le mouvement du 15 mars, bien qu’il soit assez faible, montre que beaucoup de jeunes n’ont plus de respect pour le Hamas, le Fatah ou l’AP sous Fayyad. C’est aussi une question de génération. Dans la bourgeoisie, on dépend évidemment un peu de ces derniers. Il y a également une classe capitaliste entreprenante, qui est très puissante. Ce sont ceux qui se lancent dans ces grands projets de développement tels que les zones industrielles, les villes modèles et les ghettos dorés ou les projets gaziers. Cette classe a manifestement prospéré sous cette AP, mais elle réussissait bien, même avant. Ces gens sont très intéressés matériellement au maintien du statu quo. Pourtant, je n’ai pas vraiment vu de projets d’investissements à long terme. En fait, c’est de la construction résidentielle. Le niveau de construction et sa part dans le produit intérieur brut est traditionnellement élevé en Palestine ; il l’était, même dans les années 80. Mais il suffit d’un char israélien à Ramallah pour abattre tous ces panneaux d’affichage, façades en verre et poteaux indicateurs. Un seul char et c’est fini. Espérons que ça ne finira pas de cette façon.

Ce reportage était écrit par Ray Smith. La version original Anglaise a été publié ici par Electronic Intifada.

interview: "le consensus néolibéral en palestine"

2011-04-26
[en] [it]
la palestine n’accèdera ni au développement, ni à l’indépendance par le biais des réformes économiques néolibérales, actuellement préconisées et mises en place par l’autorité palestinienne, soutiennent les économistes palestiniens raja khalidi et sobhi samour. le collaborateur de electronic intifada ray smith a interviewé raja khalidi. (...) [lire]

Apr 18, 2001

reportage: "Les Palestiniens ont un commerce, pas une économie"

2011-04-19
[en] [es]
L'Autorité palestinienne prépare l'établissement d'un Etat dans un avenir proche. Mais l'économie palestinienne reste fortement liée à Israël, et les fabricants lutte pour se remettre de la deuxième Intifada.

Le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient (UNSCO) et la Banque mondiale, dans des rapports récents, reconnaissent les progrès de l'Autorité palestinienne dans le renforcement des institutions et l'amélioration des fonctions gouvernementales, indiquant un bon positionnement pour l'établissement d'un Etat.

Selon la Banque mondiale, la croissance économique en Cisjordanie a atteint environ 7,6% du PIB en 2010. Ces chiffres doivent être cependant interprétés avec prudence. La Banque mondiale souligne que la croissance vient "principalement des donateurs" et "reflète une amélioration par rapport au niveau très bas atteint au cours de la deuxième Intifada."

La croissance n'est pas non plus durable et "reste entravée par les restrictions israéliennes," dit le rapport. La croissance ne touche pas tous les secteurs de l'économie palestinienne. Tandis que la construction est en plein essor, la production manufacturière a chuté de près de 6%, restant plus de 10% en dessous du niveau de 1999, souligne la Banque mondiale.
Dans la ville de Naplouse, nichée entre les monts Ebal et Gerizim, au nord de la Cisjordanie, les rues principales, défoncées par les bulldozers et les chars israéliens il y a près de dix ans, sont encombrées de voitures. Des feux de circulation ont remplacé la loi du chaos. Al Mujamma, un vaste complexe de dix étages, surplombe la vieille ville de Naplouse. On y trouve un centre commercial, un cinéma, plusieurs entreprises et une station de taxi en sous-sol.

Le samedi, des dizaines de Palestiniens d'Israël s'y pressent. Basel H. Kanaan, président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Naplouse, s'en réjouit, mais met en garde : "Ce n'est pas comme avant l'Intifada." Aujourd'hui, à Khan al-Tujjar, dans la vieille ville, où on vendait, il y a des siècles, des vêtements coûteux venant de Damas et du Caire, les commerçants se font mutuellement concurrence avec des produits de mauvaise qualité fabriqués en Chine.

"Les produits chinois détruisent nos commerces," dit Kanaan. Il explique que les produits locaux peuvent difficilement rivaliser avec les produits chinois. Selon Beshara Doumani, historien palestinien, Naplouse a longtemps été le centre le plus important de Palestine pour le tissage et la teinture des textiles. Ses fabricants de vêtements produisaient des vêtements bon marché pour la clientèle de masse des paysans et des classes urbaines inférieures.

Aujourd'hui, on estime que l'industrie palestinienne de vêtements et de textiles emploie environ 65.000 travailleurs, qui contribuent pour environ 15% à la production manufacturière. C'est à Naplouse que se trouve la plus haute concentration de commerces du textile. La grande majorité emploie moins de 10 employés.
Dans le quartier Aqaba, dans la vieille ville, Moaz Hlihil a 15 ouvriers. Son entreprise, située dans une vieille maison en pierres au plafond vouté, est pleine de tissus, de bobines de fil et de boîtes en bois, avec des portraits de Yasser Arafat sur le mur.

"Nous travaillons avec Israël," dit Hlihil. "Nos possibilités sont très limitées, nous sommes sous siège, Israël est notre seul marché." La plupart des fabricants palestiniens sous-traitent pour des entreprises israéliennes qui délocalisent les étapes de la production qui demandent le plus de main-d’œuvre à cause des bas salaires en Cisjordanie.

La confection de vêtements se compose de plusieurs étapes. Après la conception, le tissu est coupé et cousu. Puis les vêtements sont lavés, repassés, empaquetés et livrés. Les sous-traitants palestiniens reçoivent habituellement le tissu coupé. Enfin, le vêtement empaqueté est ré-exporté en Israël et vendu sur le marché local ou exporté, sous label israélien.

L'entreprise de Hlihil est l'une des rares qui conçoit et coupe elle-même. "Le travail reste le même, c'est la routine," dit Hihlil. Pendant l'Intifada, il a continué à produire malgré les conditions difficiles. "Notre situation était mauvaise, elle ne s'améliore pas et reste mauvaise."

Les employés d'Hlihil gagnent jusqu'à 20 dollars (14€) par jour. Les Israéliens paient à la pièce. "C'est simple," dit Hlihil, "si nous travaillons, nous gagnons de l'argent." Quelquefois, il n'y a plus de travail et ses ouvriers doivent trouver un autre moyen de compenser le manque de revenus. Hihlil admet qu'il est difficile de faire des prévisions parce que le travail se fait à la demande.
Selon la Banque mondiale, le chômage en Cisjordanie a diminué de 16,9% au cours du dernier trimestre 2010. Cependant, ce chiffre ne dit pas tout parce que le taux d'activité est faible et que le sous-emploi est élevé. Mohammad al-Aghbar, un des employés d'Hihlil, a des difficultés à subvenir aux besoins de sa famille si son revenu est instable. "Avant l'Intifada, on avait du travail tous les jours. Et aussi nos revenus étaient plus élevés parce que nos dépenses étaient plus faibles."

A la Chambre de Commerce et d'Industrie de Naplouse, le président Kanaan se dit heureux du rétablissement des liens entre les entreprises palestiniennes et les fabricants palestiniens. Pour lui, la sous-traitance dans la production textile ne pose pas de problème. "Ils nous donnent de l'argent et nos gars ont du travail," dit-il en souriant.

Le visage plus sérieux, Kanaan dit : "Ici à Naplouse, nous avons le commerce, mais pas l'économie !" Il explique qu'a cause de la destruction de nombreuses usines pendant l'Intifada, la fabrication locale lutte. "Nous ne produisons ici aucune valeur, il n'y a que le commerce. Mais le commerce consiste seulement à passer l'argent d'une poche à une autre."
Dans le secteur manufacturier de Naplouse, seule l'industrie du meuble a vu une amélioration, souligne Kanaan. A Zawata, village à côté à Naplouse, Amer Nayef Qatalony confirme et dit, "l'année 2010 a été excellente, la meilleure année depuis longtemps." Qatalony est directeur de l'usine de meubles al-Khulood.

En 2002, lorsque l'armée israélienne a attaqué constamment Naplouse, imposé un couvre-feu de près de 200 jours et un bouclage total, l'usine est partie à ar-Ram, près de Jérusalem. En 2006, elle s'est réinstallée à Naplouse. "Depuis, notre situation s'est améliorée lentement mais sûrement," dit Qatalony.

Qatalony dit que la concurrence chinoise pousse les prix à la baisse et menace les producteurs locaux. Il est sûr cependant que beaucoup de gens savent que les meubles produits localement sont de meilleure qualité. "Heureusement, beaucoup de clients ne regardent pas que le prix."

Grâce à l'augmentation des ventes, la société emploie aujourd'hui environ 90 personnes, par rapport aux 30 avant le soulèvement. "Nos clients venaient d'Israël et de toute la Cisjordanie," se souvient-il. Aujourd'hui, ils reviennent lentement.

Ce reportage était écrit par Ray Smith. La version original Anglaise a été publié ici par IPS Inter Press Service.

reportage: "les palestiniens ont un commerce, pas une économie"

2011-04-19
[en] [es]
l'autorité palestinienne prépare l'établissement d'un etat dans un avenir proche. mais l'économie palestinienne reste fortement liée à israël, et les fabricants lutte pour se remettre de la deuxième Intifada. (...) [lire]

Jan 18, 2000

reportage: "Le redressement économique de Nahr al-Bared entravé par le siège militaire"

2010-01-18
[en] [de]
Plus de deux ans après la fin des combats, le camp de réfugiés de Nahr al-Bared dévasté par la guerre, situé au nord Liban, est loin du modèle de camp que le gouvernement libanais a promis qu’il deviendrait. Au lieu de cela, la reconstruction du camp est retardée, la zone est sous contrôle militaire avec accès limité, l’économie du camp est au point mort et les habitants sont pour la plupart sans emploi.

A la suite de 15 semaines de guerre pendant l’été 2007 entre l’armée libanais et le groupe militant Fatah al-Islam, qui a occupé des parties du camp, Nahr al-Bared a été totalement détruit.

Jusqu’à aujourd’hui, près des deux-tiers de ses 30.000 habitants sont revenus et se sont réinstallés à la périphérie du camp. Jihad Awed est l’un d’entre eux ; assis en face de son minuscule magasin de vêtements, il parle du bon temps d’avant la guerre. « Mon magasin était plus grand et je vendais plus d’articles. Je m’en sortais bien. Je vendais pour 130 à 200$ par jour. »

De retour à Nahr al-Bared après la guerre, Awed a commencé à vendre des chaussures mais ce fut la faillite. Il a vendu les bijoux de sa femme et a ouvert un nouveau magasin, qui ne lui rapporte que 30$ par jour. « Je ne peux pas en vivre. Le loyer est de 100$ par mois. J’achète les cigarettes et le café et je n’ai plus rien, » explique Awed.

Charlie Higgins, directeur de projet pour la reconstruction de Nahr al-Bared auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UN Agency for Palestine refugees - UNRWA), qualifie la situation économique dans le camp de « bloquée ». Higgins dit : « Elle n’a pas beaucoup changé depuis les premiers mois qui ont suivi la fin des combats. L’économie ne s’est pas régénérée et la situation de l’emploi ne s’est pas améliorée de façon significative. »

Il explique que les résidents continuent de vivre dans un environnement provisoire et une partie d’entre eux n’est pas revenue à Nahr al-Bared. Le camp a également perdu ses liens avec les communautés libanaises environnantes. Higgins déclare que « la zone reste à l’intérieur d’un périmètre militaire, ce qui a de fait régulé et, jusqu’à un certain point, empêché le rétablissement de l’intégration étroite qui existait avant. »

Evidemment, la plupart des commerçants de Nahr al-Bared invoquent le manque de clients venant de l’extérieur pour expliquer leur situation très difficile. Nasser Nassar, qui remplit et vend des bouteilles de gaz, affirme que « les checkpoints et le siège [de l’armée libanaise] sont les problèmes les plus importants». Il explique que contrairement à ce qui se passait auparavant, les clients libanais préfèrent acheter en dehors du camp, ajoutant, « pourquoi viendraient-ils dans le camp, avec la nécessité d’obtenir des permis, de se soumettre à des fouilles et aux contrôles de leurs papiers d’identité ? »

Contrairement aux autres camps de réfugiés du Liban, Nahr al-Bared était jadis un centre d’activité économique ouvert pour la région toute entière. Selon une enquête de 2008 de l’UNRWA, environ la moitié des clients étaient libanais. Depuis que les combats ont cessé, l’armée libanaise a maintenu son contrôle sur ce qui reste du camp, y compris sur le centre détruit et le secteur adjacent lourdement endommagé, ainsi que sur la population palestinienne réfugiée qui était chez elle à Nahr al-Bared. L’accès au camp n’est possible qu’avec des permis spéciaux fournis par le service des renseignements de l’armée.

Différentes ONG ont essayé d’aider l’économie de Nahr al-Bared. Première Urgence (PU) a garanti à 220 entrepreneurs des subventions en nature. Julien Mulliez, chef de mission à Première Urgence, dit : « Le redressement de l’économie est à l’évidence compromis par les conditions actuelles d’accès à Nahr al-Bared. Le problème est que l’accès au camp dépend d’une autorisation préalable [de l’armée libanaise], entraînant une diminution des clients visitant le camp. »

La ligue des Femmes palestiniennes arabes (Palestinian-Arab Women's League - PAWL) a conduit cinq projets similaires. Sahar Itani, coordonnateur de programme à PAWL, dit qu’elle craint pour la viabilité des commerces des bénéficiaires. « C’est à cause du fond de clientèle limitée actuellement disponible sur le marché de Nahr al-Bared, » explique-t-elle. « Nous avons atteint une situation de saturation du marché. »

Dans son magasin de vêtements, Awed se plaint que les marchands du camp vendent entre eux. « L’argent circule en interne. Rien ne rentre, » dit-il.

Hassan Mawed, président du comité des commerçants de Nahr al-Bared, estime que les Libanais représentent moins de cinq pour cent de tous les clients actuels. Selon lui, « c’est loin d’être suffisant pour relancer l’économie de Nahr al-Bared. En fait, ce qui se passe dans le camp est une sorte de troc. »

Sakher Sha’ar est coiffeur et son salon est situé dans l’ancienne rue principale de Nahr al-Bared. Sha’ar se plaint du manque de travail, expliquant que « Il y a 29 salons ici. Dans la mesure où personne ne vient de l’extérieur, c’est beaucoup trop pour le secteur. »

Quelques pâtés de maisons plus bas, Salim Mawed tient une boutique de barbier. Il dit que ses ventes quotidiennes s’élèvent à environ 20$, comparées à environ 35$ avant la guerre, lorsqu’il a acquis sa boutique. « Maintenant, il faut que je paie le loyer du salon, les outils, etc. » dit-il. « A la fin, il ne reste rien. »

Avant la guerre, environ les deux tiers de la main d’œuvre de Nahr al-Bared travaillaient dans les limites du camp. Parce que les réfugiés palestiniens sont confrontés à une lourde discrimination juridique et sociale sur le marché du travail libanais, travailler en dehors du camp est difficile. Le manque de travail a poussé beaucoup à émigrer. Mawed dit que « s’ils ouvraient la porte à l’émigration, personne ne resterait. Et je serais le premier. Je laisserais tout ici. »

Depuis la mi-octobre, l’armée libanaise a autorisé les citoyens libanais à entrer dans le camp sans permis spéciaux, mais seulement par le checkpoint al-Abdi, du côté nord du camp. Cependant, le changement de procédure de l’armée a ni attiré plus de clients libanais ni facilité l’accès au camp.

Un journaliste qui a tenu à rester anonyme est récemment entré à Nahr al-Bared, avec un ami libanais. « Nous avons dénombré 11 ordres et questions pour avancer de 10 mètres : ‘Vos papiers d’identité ! Descendez de voiture ! Mettez vous sur le côté ! Garez-vous !’ C’est terrible. C’est une zone civile, pas une base militaire ! C’est une punition collective de la population. »

Une employée libanaise d’une ONG travaillant à Nahr al-Bared demandant l’anonymat dit qu’elle se sert toujours de son permis, bien qu’elle puisse entrer sans, car l’accès est plus facile et plus rapide : « Je préfère passer 20 à 30 minutes de plus dans notre bureau à aider les gens plutôt que d’attendre que mon nom soit vérifié. »

Le gouvernement libanais a déclaré qu’une fois reconstruit, le camp de Nahr al-Bared deviendrait un modèle de relations meilleures entre les réfugiés palestiniens et leurs hôtes libanais. Mais Hassan Mawed est fatigué d’entendre ces paroles encore et encore. Levant la voix, il demande, « Un modèle de quoi ? Un modèle de prison ? De siège, de checkpoints et d’humiliation ? Ce devrait être un modèle qui nous donne la liberté, les droits civiques, le droit à travailler et à la propriété ! »

Réagissant aux réclamations croissantes des résidents, des médias, des organisations et partis locaux ainsi que des organisations internationales travaillant à Nahr al-Bared, l’armée a diffusé récemment une déclaration affirmant que les dispositions sécuritaires « visaient d’abord et avant tout à préserver la sécurité des personnes en empêchant l’infiltration de terroristes et de personnes recherchées, la contrebande d’armes, d’explosifs et de matériel illégal. »

Toutefois, Marwan Abdulal, le responsable de l’Organisation de Libération de la Palestine chargé de la reconstruction de Nahr al-Bared, a demandé que l’armée lève le siège du camp. Selon Abdulal, « La première condition pour le redressement de l’économie du camp et la vie sociale, c’est le retrait des checkpoints, ou au moins, la suppression des permis. »

De la même manière, Charlie Higgins, de l’UNRWA, considère que les dispositions sécuritaires de l’armée libanaise sont « une barrière importante au redressement du camp dans tous ses aspects. »

Il n’est pas sûr que le gouvernement libanais et l’armée répondent à ces plaintes et autorise Nahr al-Bared à être reconstruit, ou si le siège restera en place et les promesses non tenues.

Ce reportage était écrit par Ray Smith. La version original Anglaise a été publié ici par Electronic Lebanon.

reportage: "le redressement économique de nahr al-bared entravé par le siège militaire"

2010-01-18
[en] [de]
plus de deux ans après la fin des combats, le camp de réfugiés de nahr al-bared dévasté par la guerre, situé au nord liban, est loin du modèle de camp que le gouvernement libanais a promis qu’il deviendrait. au lieu de cela, la reconstruction du camp est retardée, la zone est sous contrôle militaire avec accès limité, l’économie du camp est au point mort et les habitants sont pour la plupart sans emploi. (...) [lire]

reportage: "Les Palestiniens refusent la nouvelle approche sécuritaire libanaise"

2010-01-18
[en] [de]
Les récents affrontements inter-factions dans le camp de réfugiés d’Ain al-Hilweh au Liban illustrent une fois de plus la situation sécuritaire fragile dans certains des camps palestiniens. Les Palestiniens ont refusé les projets libanais de gérer la sécurité à l’intérieur des camps.

La nouvelle année avait à peine commencé que les bruits des tirs et des roquettes ont retenti dans le camp d’Ain al-Hilweh, à la périphérie de la ville libanaise côtière de Saida. Le clash le plus récent a éclaté lorsque des combattants appartenant au groupe militant islamique Jund as-Sham ont attaqué un bureau du mouvement Fatah, mouvement dominant à l’intérieur du camp. Les tirs féroces ont été contenus et finalement arrêtés quand le comité de sécurité du camp est intervenu.

Ain al-Hilweh et d’autres camps de réfugiés abritent des groupes nationalistes palestiniens divers, mais aussi différentes forces islamistes que le gouvernement libanais considère comme une menace à la sécurité et à la stabilité de l’Etat. En 2007, un de ces groupes, appelé Fatah al-Islam, s’est engagé dans 15 semaines de bataille contre l’armée libanaise, à Nahr al-Bared, le camp le plus au nord du pays. Nahr al-Bared a été réduit à des décombres, et 30.000 personnes ont fui.

Le Liban héberge environ 250.000 réfugiés palestiniens, dont beaucoup vivent dans 12 camps de réfugiés officiellement reconnus. Ils n’ont pas de droits à l’éducation et à l’emploi comparables aux Libanais. L’accord du Caire de 1969 a placé les camps sous contrôle de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et a interdit aux forces libanaises de sécurité d’y entrer.

Bien que le gouvernement libanais se soit retiré de l’Accord du Caire à la fin des années 1980, et ait récupéré en théorie son pouvoir sur les camps, l’Etat s’est abstenu d’y exercer son autorité. D’un point de vue politique, les camps ont été dirigés par des comités populaires, tandis que les comités de sécurité ont joué le rôle de force de police intérieure.

En 2006, quand Fatah al-Islam s’est cependant infiltré à l’intérieur de Nahr al-Bared, le camp n’avait qu’un comité populaire faible et pas de comité de sécurité en fonction. Les parties palestiniennes étaient divisées et, en conséquence, n’ont pas réussi à repousser le groupe islamiste bien armé hors du camp, lui permettant en fait de s’en emparer.

En 2008, lors de la conférence internationale des donateurs pour la réhabilitation et la reconstruction de Nahr al-Bared, le gouvernement libanais a déclaré qu’une fois reconstruit, le camp ne « reviendrait pas au statu quo ante environnemental, social et politique qui a facilité sa prise par des terroristes, » mais serait placé sous son autorité.

Il a annoncé que l’autorité de la loi serait appliquée dans le camp par la communauté et une police de proximité par les Forces de la Sécurité Intérieure (Internal Security Forces - ISF). Désignant le camp détruit comme un lieu d’expérimentation, le gouvernement a souligné que le succès à Nahr al-Bared fournirait un modèle de sécurité pour les autres camps de réfugiés palestiniens.

En octobre 2009, une délégation des ISF est allée aux Etats Unis pour étudier la police de proximité. La visite faisait partie d’un programme financé par le Bureau des Narcotiques et du Respect des Lois du Département d’Etat des Etats-Unis (U.S. Department of State's Bureau of Narcotics and Law Enforcement). L’aide de ce programme comprend la construction d’un poste de police des ISF et de l’équipement, comme des véhicules de patrouille et du matériel de service. Depuis 2006, le gouvernement des Etats-Unis a alloué au Liban plus d’un demi-milliard de dollars d’aide à la sécurité.

La police communautaire est une approche du travail policier dans des zones spécifiques et bien définies. En théorie, elle se construit sur des liens mutuellement bénéfiques entre la police et les membres de la communauté, et met l’accent sur le partenariat communautaire et la résolution des problèmes. La police communautaire bénéficie de l’expertise et des ressources existant à l’intérieur des communautés.

Marwan Abdulal, membre de l’OLP chargé de la reconstruction de Nahr al-Bared, n’aime pas l’idée d’implanter ce concept dans les camps. « Il ne prend pas en compte les particularités du Liban et de la présence des Palestiniens au Liban, » dit-il. Si la loi libanaise demeure discriminatoire et si elle est appliquée à Nahr al-Bared, il dit que l’expérience est vouée à l’échec.

« Le concept est à la mode. Le mot ‘communauté’ se vend bien, » dit Amr Saededine, journaliste indépendant. D’après lui, la police de communauté va faire que les gens vont s’épier les uns les autres, et faire des rapports au service de sécurité. Ghassan Abdallah, directeur général l’Organisation Palestinienne pour les Droits de l’Homme, se réfère à des sondages indiquant qu’une grande majorité des réfugiés ne fait pas confiance aux forces libanaises de sécurité, et refuse qu’elles contrôlent les camps.

Beyrouth et le palais du gouvernement sont loin des ruines, des gravats et des rues boueuses de Nahr al-Bared. Ici, la réalité est différente. Plus de deux ans après la guerre, environ 20.000 réfugiés sont revenus à la périphérie du camp, qui est toujours entouré par les postes militaires, les fils de fer barbelés et cinq points de contrôle. L’accès pour les Palestiniens et les étrangers n’est autorisé qu’avec des permis spéciaux délivrés par le Mukhabarat, le service de renseignements de l’armée libanaise.

Le Mukhabarat patrouille constamment dans les rues et a recruté une foule de nouveaux informateurs. Une atmosphère de crainte s’est répandue à travers Nahr al-Bared. On évite de parler de sujets sensibles comme l’Etat libanais ou l’appareil sécuritaire en présence de gens qu’on ne connait pas.

Des femmes en particulier sont recrutées. Les informateurs sont principalement payés en cartes téléphoniques. D’autres reçoivent des bénéfices pratiques comme un accès facilité au camp. Un travailleur social, qui a voulu rester anonyme, dit : « C’est comme si on avait implanté dans la société un virus dont il est difficile de se débarrasser ». Vivant sous un régime militaire et sans comité de sécurité, les résidents du camp sont incapables de sévir contre les informateurs.

Le contrôle de l’armée sur la vie quotidienne « fait exploser les gens à un moment donné, » dit Sakher Sha’ar, coiffeur dans la rue principale de Nahr al-Bared. « Pourquoi nous traitent-ils de cette manière ? Pourquoi ne nous traitent-ils pas comme les habitants des communautés libanaises environnantes ? Nous ne sommes pas leurs ennemis». Beaucoup de réfugiés se souviennent de la révolution palestinienne, dans les années 1960, qui fut une réaction à l’autorité humiliante de la branche du renseignement de l’armée, connue sous le nom de « deuxième bureau ». Le soulèvement est parti de Nahr al-Bared.

Il y a quelques mois, les ISF ont installé un poste de police sur le côté nord de Nahr al-Bared. Marwan Abdulal, de l’OLP, accueille favorablement les démarches qui tendent à transformer la zone militaire en zone civile. Mais il dit que « le problème est que lorsque les ISF sont entrées, l’armée est restée. » Il et clair que le rôle actuel des ISF dans le camp équivaut à zéro, tandis que l’armée continue de contrôler, d’intimider et d’arrêter les gens.

Le Ministre de l’intérieur libanais semble indécis sur la manière de laisser les IDS appliquer la loi. « Il faudrait qu’ils mettent tout le camp en prison, » dit le journaliste Amr Saededine. « La propriété, de nombreux métiers, l’ouverture d’un magasin, la création d’une organisation de la société civils sont interdits aux Palestiniens… » Une application sérieuse de la loi dans les camps par les ISF requerrait finalement un changement fondamental de la loi discriminatoire du Liban.

La question en jeu à Nahr al-Bared n’est pas seulement de ses futurs arrangements sécuritaires, mais celle de sa gouvernance en général. L’OLP s’est rendu compte du besoin d’une réforme du comité populaire. Abdulal suggère un organe civil semblable à une municipalité, composé des parties ainsi que des représentants de la société civile.

Sur la sécurité intérieure, l’OLP suggère l’autonomie pour contrer l’intention du gouvernement d’introduire la police de communauté. Evoquant le modèle réussi mis en œuvre en Syrie, Abdulal dit qu’il devrait y avoir une force de police palestinienne rattachée au comité populaire et se coordonnant avec les ISF qui resteraient à l’extérieur du camp.

Un modèle similaire a été mis en place, de façon informelle, dans la plupart des camps de réfugiés palestiniens du Liban. Leurs comités de sécurité se coordonnent avec les autorités libanaises et ont à maintes reprises livré des suspects à l’Etat.

Amr Saededine affirme que si une tentative sérieuse existait de réorganiser la gouvernance et la sécurité dans le camp, il faudrait voir comment la société elle-même avait l’habitude de résoudre ses problèmes, « mais parachuter le concept anglo-saxon de police de communauté sur les camps est irrationnel. »

Après que certains médias libanais aient fait état d’une attaque à la grenade incapacitante dans le camp de Rashidieyh, au sud Liban, Sultan Abu al-Aynan, un officiel du Fatah, les a accusés d’avoir gonflé exagérément une action personnelle et de l’avoir dépeinte comme ayant des dimensions politiques et sécuritaires. Il a affirmé que cette focalisation continuelle sur les Palestiniens comme problème de sécurité éclipsait leurs demandes pour des droits civils et sociaux.

Abdulal insiste sur le fait qu’il est impossible d’avoir une sécurité d’Etat libanaise sans sécurité humaine pour les Palestiniens. « Il doit y avoir un sentiment général de sécurité parmi les Palestiniens, dans le sens politique, économique, social et culturel. »

Au Liban, les Palestiniens continuent d’être vus seulement au travers du prisme de la sécurité. A Nahr al-Bared, le gouvernement a autorisé l’armée à jouer un rôle majeur dans le projet de reconstruction. Il a montré sa volonté de réviser son traitement des Palestiniens, et, enfin – après plus de 60 ans de présence – d’abolir la discrimination légale contre eux. Les développements actuels dans le dit laboratoire de Nahr al-Bared montre une imposition unilatérale d’autorité directe sur les Palestiniens plutôt qu’un « partenariat au bénéfice mutuel » entre eux et leurs hôtes.

Ce reportage était écrit par Ray Smith. La version original Anglaise a été publié ici par IPS Inter Press Service.

reportage: "les palestiniens refusent la nouvelle approche sécuritaire libanaise"

2010-01-18
[en] [de]
les récents affrontements inter-factions dans le camp de réfugiés d’ain al-hilweh au liban illustrent une fois de plus la situation sécuritaire fragile dans certains des camps palestiniens. les palestiniens ont refusé les projets libanais de gérer la sécurité à l’intérieur des camps. (...) [lire]

Dec 29, 1999

reportage: "Des vers rebelles depuis un camp de réfugiés détruit"

2009-12-29
[en] [de] [es]
Avançant la nuit, la boue jusqu’aux chevilles, dans les rues sans lumière du camp de Nahr al-Bared, on est très surpris d’entendre les rythmes du hip-hop sortant des maisons des réfugiés et des baraques. De plus, les paroles émanent du camp, et elles sont courageuses.

« Je porte les soucis / de l’intérieur d’un camp détruit / Je prépare une attaque / Les mots tournent sans arrêt dans ma tête / Nahr al-Bared est clôturé de barreaux d’acier / Dans les journaux ils parlent de souffrances / Chaque mot a un sens ».

Farhan Abu Siyam (21 ans) est le premier et le seul rappeur de Nahr al-Bared. Son nom d’artiste est MC Tamarrod, qui se traduit par MC Rébellion. Ayant grandi dans les camps de réfugiés palestiniens de Nahr al-Bared et Bourj al-Barajneh, il sait que le hip-hop n’a pas une position facile dans la société palestinienne. « Beaucoup de gens n’aiment pas le rap parce qu’ils sont contre la musique occidentale et ses éléments, comme le rythme, » Explique Abu Siyam. Il demande à la communauté de donner une chance au rap, soulignant qu’il ne chante pas dans une langue étrangère mais utilise les mots et l’argot arabes. « Je rappe dans notre dialecte palestinien, dans la langue des camps où je suis né et où j’ai grandi. »

Abu Siyam dit qu’il s’inspire des groupes hip-hop 'Katibe 5' et 'I-Voice', du camp de réfugiés de Bourj al-Barajneh, et de groupes de rap en Palestine comme 'Ramallah Underground' ou 'DAM', dont on dit qu’ils sont les fondateurs du hip-hop palestinien. Leur style est loin d’être superficiel, divertissant et bling-bling. Les rappeurs palestiniens, généralement indissociables de leurs origines, mettent l’accent sur leur position marginalisée et opprimée et se servent de leurs mots comme d’armes dans leurs luttes politiques et sociales.

MC Tamarrod ne mâche pas ses mots. Il rappe sur la vie misérable de l’après-guerre dans le camp de réfugiés de Nahr al-Bared. Avec le collectif media autonome 'a-films', il a produit un vidéo clip court. Bougeant devant le mur criblé de balles d’un bâtiment incendié à Nahr al-Bared, il revisite la guerre de 2007 qui a dévasté le camp et rappe :

« Tu me demandes ce qui s’est passé ? / Ceux qui ont frappé ont fui / Ceux qui sont passés ont pillé / Et quelques-uns ont tout brulé »

Il y a deux ans et demi, le camp de Nahr al-Bared au nord Liban a été totalement détruit pendant et après une guerre entre les Forces Armées Libanaises (FAL) et le groupe militant non-palestinien Fatah al-Islam. Jusqu’à aujourd’hui, les deux tiers des habitants de l’ancien camp vivent à sa périphérie dans des maisons endommagées et des cabanes de fortune. Abu Siyam dit que beaucoup ont chanté et parlé sur Nahr al-Bared, « mais personne n’ose dénoncer la guerre, le désespoir et l’oppression dont nous souffrons. »

Nahr al-Bared est toujours bouclé et déclarée zone militaire par les FAL, qui tiennent cinq postes de contrôle autour du camp. L’accès au camp est limité et nécessite des permis spéciaux émis par le service secret des FAL ; les journalistes ne sont pas autorisés à travailler librement. « Nous sommes encerclés et nous vivons comme dans une prison à Nahr al-Bared. Dans d’autres camps, les gens peuvent aller et venir normalement, » dit Abu Siyam. La présence des FAL dans et autour de Nahr al-Bared est un des thèmes principaux sur lequel MC Tamarrod rappe :

« Je suis Palestinien et je ne me soumets pas à la loi de votre armée / Arrêtez de construire ce mur ! / Dès que je vous ai vu, j’ai su ce que vous vouliez / ‘Eh toi, donne-moi ta carte d’identité, où est ton permis ?’ »

L’armée libanaise affirme que les postes de contrôle et les permis sont nécessaires pour préserver la sécurité des gens « en empêchant l’infiltration des terroristes et des personnes recherchées, la contrebande d’armes, des explosifs et des matériels illégaux. » Cependant, beaucoup de réfugiés à Nahr al-Bared se sentent humiliés et opprimés par les FAL. Abu Wissam Gharib, leader du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) à Nahr al-Bared dit qu’il comprend que l’état de guerre nécessite une armée, « mais lorsque la guerre est terminée, pourquoi l’armée reste-t-elle ? » Au sujet des permis, il se demande pourquoi il peut voyager partout au Liban avec sa carte d’identité, mais il a besoin d’un permis pour rentrer chez lui à Nahr al-Bared.

Abu Siyam enregistre au studio al-Mukhayyamat, dans le camp de réfugiés palestiniens de Bourj al-Barajneh, dans la banlieue de Beyrouth. Bourj al-Barajneh est le berceau du hip-hop palestinien au Liban et le foyer des groupes rap I-Voice et Katibe 5. Les deux groupes ne ciblent pas seulement dans leurs paroles les différentes formes de discrimination que subissent les 250.000 Palestiniens au Liban, mais leurs rimes visent aussi l’establishment de leur propre société, accusant les ONG et les partis politiques d’être corrompus et de trahir la cause palestinienne. MC Tamarrod le fait aussi :

« Les partis sont à double face / Leur autorité est stupide / Renforcée par des mensonges / Leur politique est malade »

Abu Siyam a conscience de la force des paroles de ses raps. Cependant, il dit : « Nous ne sommes pas contre le système libanais, mais il nous prive de nos droits. » La jeunesse palestinienne, à l’âge d’Abu Siyam, ne voit pas un avenir positif au Liban. L’émigration est devenue, pour le moment, leur seul but. Beaucoup ont perdu l’espoir qu’après 60 ans de présence palestinienne au Liban, l’Etat leur garantisse les pleins droits au travail et à la propriété. Récemment, alors qu’une délégation d’un Etat donateur visitait Nahr al-Bared, les habitants des logements provisoires ne lui ont pas demandé davantage d’aides, mais des visas leurs permettant d’émigrer.

A Nahr al-Bared, la destruction du camp et de son marché jadis florissant, la très lente reconstruction et le siège continu du camp par les FAL ont conduit à un chômage généralisé. Charlie Higgins, directeur de projet pour la reconstruction de Nahr al-Bared à l’UNRWA, décrit la situation économique dans le camp comme « bloquée ». Il dit que ni l’économie ne s’est régénérée, ni la situation de l’emploi ne s’est améliorée de façon significative depuis la fin de la guerre.

Pendant ce temps, MC Tamarrod espère que si un jour Nahr al-Bared devait être reconstruit, il y aurait un studio de musique où il pourrait enregistrer ses chansons. A Beddawi, le deuxième camp de réfugiés palestiniens au nord du Liban, près de Tripoli, des structures sont disponibles mais produire une chanson lui coûterait entre 200 et 250 US$, dit-il. MC Tamarrod travaille actuellement sur deux nouveaux raps – et il devra aller à Beyrouth pour les enregistrer.

Ce reportage était écrit par Ray Smith. La version original Anglaise a été publié ici par IPS Inter Press Service.

reportage: "des vers rebelles depuis un camp de réfugiés détruit"

2009-12-29
[en] [de] [es]
avançant la nuit, la boue jusqu’aux chevilles, dans les rues sans lumière du camp de nahr al-bared, on est très surpris d’entendre les rythmes du hip-hop sortant des maisons des réfugiés et des baraques. de plus, les paroles émanent du camp, et elles sont courageuses. (...) [lire]

Nov 25, 1999

reportage: "Les réfugiés restent sceptiques sur la reconstruction de Nahr al-Bared"

2009-11-25
[en] [de] [tr]
Plus de deux ans après que leur camp ait été détruit dans une guerre entre l’armée libanaise et le groupe militant islamiste Fatah al-Islam, les réfugiés de Nahr al-Bared ont été mercredi témoins du début de la reconstruction du camp. Leur soulagement est cependant mêlé de scepticisme.

Etabli en 1949, le camp de réfugiés de Nahr al-Bared, dans la région Akkar, au nord du Liban, héberge plus de 30.000 résidents. A l’été 2007, le camp a été totalement détruit lorsque les forces armées libanaises (FAL) ont combattu un groupe de militants bien équipé, pour la plupart non Palestiniens, qui s’était emparé du camp.

Pendant les 15 semaines de guerre, la population locale a rapidement créé une commission. Au début 2008, celle-ci avait réalisé un plan de reconstruction du camp, qui a reçu l’approbation du gouvernement libanais et de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA).

Le déblaiement des gravats et les travaux réels de reconstruction ont été cependant retardés plusieurs fois. Au printemps 2009, la première pierre de la reconstruction de Nahr al-Bared a été posée et des discours prononcés, mais la zone éclaircie au bulldozer est restée intacte. Les travaux devaient commencer pendant l’été 2009, mais le chef du Mouvement patriotique libre et ancien général Michel Aoun a bloqué la décision gouvernementale de reconstruire Nahr al-Bared et un moratoire de deux mois pris par le conseil d’Etat du Liban a stoppé tous les travaux sur le terrain.

Aux premières heures du 25 novembre, des officiels de l’UNRWA, des représentants de divers partis palestiniens et des organisations communautaires – y compris les habitants déplacés de Nahr al-Bared – gardés par des soldats libanais, ont assisté et applaudi lorsque le béton des fondations des premières maisons a coulé d’un camion.

Mahmoud Eshtawi, père de deux enfants, a passé les dix-huit derniers mois dans un abri en fer de 18m². Son seul métier, actuellement, est de conduire, deux fois par jour, l’autobus du jardin d’enfants local. Il est soulagé : « Nous avons vécu dans des conditions très difficiles dans nos abris. Je me sens mieux, ce que j’ai vu aujourd’hui me donne l’espoir qu’ils reconstruisent le camp. » Sa sœur Manal hoche la tête : « Je suis heureuse. Même si je ne sais pas combien de temps cela prendra, j’ai l’espoir de revenir chez moi. Notre retour est très important. »

Les retards variés, au cours des deux dernières années, ont provoqué un pessimisme largement partagé par les réfugiés de Nahr al-Bared. « Du début à aujourd’hui, nous avons été confrontés à beaucoup d’obstacles et de retards. On aurait pu reconstruire le camp, pendant ces deux ans et demi, » dit Abu Khaled Freji. Il a participé à la Commission pour la Reconstruction du Camp de Nahr al-Bared (NBRC) depuis le début, pendant la guerre. Il explique que les gens qui ont vécu dans des garages et des baraquements se sont souvent sentis trahis et floués, et il ajoute : « C’est juste le début, rien de plus. Nous avons toujours balancé entre l’espoir et la frustration. Ayant vécu dans une situation très difficile et épuisante, j’hésite à me sentir extrêmement heureux parce qu’ils viennent juste de verser un peu de béton aujourd’hui. »

L’accès aux lisières de Nahr al-Bared, comme au site de construction, est toujours contrôlé par les forces armées libanaises. Amr Saededine, journaliste qui suit de près les développements à Nahr al-Bared, désigne les FAL comme un gros obstacle au processus de reconstruction. « L’armée interfère dans tout. Nahr al-Bared a été déclaré ‘zone militaire’. Mais ici, c’est une zone civile, pas une base de l’armée ! »

Saededine dit que les FAL n’ont cessé de demander des changements du plan de reconstruction. « Au début, l’armée ne voulait pas que les maisons aient des balcons, par exemple. Ils ont aussi demandé que les rues soient assez larges pour que les chars puissent entrer. »

Le financement de la reconstruction de Nahr al-Bared est une autre question ouverte. Jusqu’à maintenant, l’UNRWA n’a pu réunir qu’environ un tiers des 328 millions de dollars nécessaires. La semaine dernière, les représentants d’une douzaine d’organisations donatrices ont visité Nahr al-Bared. Les fonctionnaires de l’UNRWA ont récemment exprimé leur optimisme que le début de la reconstruction et la formation du nouveau gouvernement libanais attirent davantage de financements.

En conséquence du siège du camp par les FAL et de la destruction de ces commerces, le chômage s’est drastiquement propagé à Nahr al-Bared. Mercredi, de nombreux jeunes gens ont repris espoir. Mohammad Eshtawi a passé le plus clair de son temps, ces deux dernières années, à boire du café et à aller s’asseoir ça et là, n’ayant que rarement l’occasion de travailler et de gagner un peu d’argent. Son humeur s’est transformée en un optimisme prudent. « Nous attendons le début des travaux depuis si longtemps. J’espère que beaucoup d’entre nous trouverons du travail dans la reconstruction, » dit Eshtawi. « C’est une longue entreprise. J’espère que moi et mon père seront employés ici, nous aussi. »

Ce reportage était écrit par Ray Smith. La version original Anglaise a été publié ici par IPS Inter Press Service.

reportage: "les réfugiés restent sceptiques sur la reconstruction de nahr al-bared"

2009-11-25
[en] [de] [tr]
plus de deux ans après que leur camp ait été détruit dans une guerre entre l’armée libanaise et le groupe militant islamiste fatah al-islam, les réfugiés de nahr al-bared ont été mercredi témoins du début de la reconstruction du camp. leur soulagement est cependant mêlé de scepticisme. (...) [lire]

Sep 23, 1999

reportage: "La reconstruction de Nahr al-Bared dans l’incertitude"

2009-09-23
[en] [de] [it]
Depuis fin août, les engins de construction sont au repos dans le camp de réfugiés de Nahr al-Bared. Le Conseil d’Etat libanais a décidé un moratoire de deux mois pour la reconstruction du camp détruit.

Nahr al-Bared, le plus au nord des 12 camps de réfugiés palestiniens du Liban, a été totalement détruit lors de la bataille de l’été 2007. Bien qu’un plan d’ensemble pour la reconstruction ait été dressé début 2008 et approuvé par le gouvernement libanais, le début des travaux de construction ont été sans cesse reportés.

Lorsqu’on a découvert au printemps 2009 un site archéologique sous les décombres de l’ancien camp, pratiquement personne parmi les réfugiés n’y a cru. Au cours des deux dernières années, ils ont entendu trop de justifications – souvent minces – pour les retards répétés de reconstruction.

Les découvertes archéologiques se sont avérées cependant réelles et la Direction générale des Antiquités libanaises (DGA) s’est impliquée. Avec l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les Réfugiés de Palestine (UNRWA) et le bureau responsable auprès du Premier Ministre libanais, une solution a été trouvée. Avant que les différents secteurs soient complétés et que les fondations de béton soient coulées, la DGA procèderait aux fouilles et recenserait les découvertes archéologiques.

Fin juin – la plupart des réfugiés ne purent en croire leurs yeux – les travaux de reconstruction de Nahr al-Bared ont enfin commencé. Le plan d’ensemble proposait un processus par étapes. Les travaux ont commencé avec le Secteur 1. Selon l’UNWRA, les travaux de comblement du Secteur 1 étaient presque terminés à la fin août et les travaux de terrassement étaient sur le point de commencer lorsque le gouvernement libanais a ordonné à l’Agence d’arrêter la construction.

Que s’était-t-il passé? Déjà au printemps, le leader du Mouvement Patriotique Libre d’opposition, Michel Aoun, avait porté plainte contre la décision du gouvernement sur le comblement du camp. Le 18 août, le Conseil d’Etat avait pris un moratoire, pour le moment. On attend une décision définitive pour octobre.

Des milliers d’habitants de Nahr al-Bared ont réagi le 31 août par une manifestation de masse à l’entrée du chantier et des protestations ont eu lieu dans plusieurs autres camps de réfugiés au Liban. Les critiques ne portaient pas seulement sur l’arrêt de la construction, mais aussi à nouveau sur le siège du camp, qui l’isole, ainsi que ses habitants et ses marchés, du monde extérieur. Le 16 septembre, les réfugiés sont allés protester dans les rues de Tripoli, au nord du Liban. Ils ont été rejoints et soutenus par des sympathisants libanais.

Les représentants du comité de reconstruction de Nahr al-Bared accusent les hommes politiques libanais de se servir une fois de plus des découvertes archéologiques pour marquer des points politiques. Le comité attire l’attention sur un autre discours qui demande la transformation du site archéologique en site touristique.

Ces deux dernières années, les protestations des habitants se sont pour la plupart limitées à des manifestations pacifiques et des rassemblements. Leur prudence s’enracine dans les souvenirs vivaces d’une manifestation, fin juin 2007, au cours de laquelle trois manifestants furent tués et beaucoup d’autres blessés. Lors d’une conférence de presse, les activistes de Nahr al-Bared ont fait allusion au lancement d’une série d’actions de protestation civiles, non violentes mais pourtant en augmentation. Ils pourraient aller jusqu’au défi du système de permis de l’armée par un boycott massif.

Ce reportage était écrit par un de nos militantes. La version original Allemande a été publié par al-sharq.

reportage: "la reconstruction de nahr al-bared dans l’incertitude"

2009-09-23
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depuis fin août, les engins de construction sont au repos dans le camp de réfugiés de nahr al-bared. le conseil d’etat libanais a décidé un moratoire de deux mois pour la reconstruction du camp détruit. (...) [lire]

Jun 15, 1999

reportage: "l’armée se maintient dans des quartiers de nahr al-bared"

2009-06-15
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les trois mois de guerre entre l’armée libanaise et les militants de fatah al-islam, dans le camp de réfugiés palestiniens de nahr al-bared, au nord liban, se sont terminés le 2 septembre 2007. alors que l’armée libanaise a autorisé les résidents déplacés à revenir dans certaines parties du camp, le sort des autres, toujours sous le contrôle de l’armée, reste incertain. (...) [lire]

reportage: "L’armée se maintient dans des quartiers de Nahr al-Bared"

2009-06-15
[en] [de]
Les trois mois de guerre entre l’armée libanaise et les militants de Fatah al-Islam, dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr al-Bared, au nord Liban, se sont terminés le 2 septembre 2007. Alors que l’armée libanaise a autorisé les résidents déplacés à revenir dans certaines parties du camp, le sort des autres, toujours sous le contrôle de l’armée, reste incertain.

Le camp de Nahr al-Bared est constitué de deux parties : la «vieille» et la «nouvelle». Le camp de réfugiés original, ou «vieux» camp, a été établi en 1949 sur un morceau de terre 16 km au nord de la ville libanaise de Tripoli. En 1950, l’Agence des Nations Unis pour les Réfugiés Palestiniens (UNRWA) a commencé à fournir ses services aux résidents du camp. Au cours des années, la densité de la population de Nahr al-Bared a énormément augmenté, alors que ceux qui pouvaient se le permettre quittaient les limites du camp officiel et s’installait dans le voisinage immédiat. C’est ce secteur qui est maintenant appelé «le nouveau camp», ou «la partie adjacente», et appartient aux municipalités libanaises de Muhammara et Bhannine. Tandis que les habitants du nouveau camp bénéficient des services éducatifs, de santé et d’aide sociale de l’UNRWA, l’agence n’a pas de mandat pour la construction et la maintenance de l’infrastructure et des maisons dans cette zone.

Depuis que les combats dans le camp se sont terminés il y a presque 2 ans, la plus grande partie du «vieux camp» a été passée au bulldozer et la reconstruction doit commencer le mois prochain. Le long du périmètre du vieux camp, cependant, les ruines de plus de 200 maisons sont toujours là. Elles sont sous le seul contrôle de l’armée libanaise, qui empêche toujours les résidents d’y revenir.

En octobre 2007, environ un mois après que l’armée libanaise aient déclaré la victoire, la première vague de réfugiés a été autorisée à revenir dans certaines parties du nouveau camp. Dans les mois qui ont suivi, l’armée s’est graduellement retirée du nouveau camp et a rendu les maisons et les ruines à leurs anciens habitants. Cependant, la transmission n’a pas été complète. Au moins 250 maisons du nouveau camp, adjacent au vieux camp, restent inaccessibles leurs habitants, entourées de fils de fer barbelés et contrôlées par l’armée libanaise. Ces secteurs sont maintenant appelés «Zones Prime», connus parmi les réfugiés sous le terme arabe de «primaat». Il y a A'-, B'-, C'- et E'-Prime (photo ci-dessus).

Adnan, qui a refusé de donner son nom de famille, travaille dans un petit magasin du quartier Corniche, adjacent à la zone E’. Il a attendu la transmission du secteur par l’armée. « Ils vous disent, ‘la semaine prochaine, le mois prochain’. Mais rien ne se passe. Ils disent, ‘on doit d’abord retirer les bombes et les gravats, ensuite on laissera les gens entrer’. Ce sont des mots vides. Personne n’est honnête. Ils nous mentent sans arrêt, » se plaint Adnan.

Un logement provisoire sert de bureau improvisé à la Commission de Reconstruction de Nahr al-Bared pour l’action civile et les études (Nahr al-Bared Reconstruction Commission for Civil Action and Studies - NBRC), un comité de la base populaire très impliqué dans le planning de la reconstruction du vieux camp. Abu Ali Mawed, un membre actif de NBRC, est propriétaire d’un des 120 bâtiments de la Zone E’, et attend de le récupérer depuis 21 mois. « Une fois de plus, l’armée dit qu’ils ouvriront les primaat, mais elle dit qu’elle doit d’abord les nettoyer des munitions non explosées et des gravats. Où étaient les gens responsables de ce travail, ces deux dernières années ? Soyons francs : ce secteur peut être déminé et nettoyé en moins d’un mois ! »

Ismael Sheikh Hassan, architecte bénévole et planificateur au NBRC, dit : « La principale raison du retard, c’est l’armée. Ils n’ont pris la décision, au niveau du commandement, de permettre au gens de rentrer que le mois dernier. »

Depuis la fin mai, il semble que les choses aient avancé. Le 19 mai, une entreprise de l’UNRWA a commencé à enlever les gravats dans la zone B’ et des équipes de déminages ont démarré leur travail. Dans sa mise à jour hebdomadaire du 3 juin, l’UNRWA écrit que son entreprise a terminé l’enlèvement des gravats dans les zones B’ et C’. Dans une réunion entre l’armée libanaise, le Comité populaire de Nahr al-Bared, les partis palestiniens et l’UNRWA le 2 juin, l’armée a annoncé son intention de permettre le retour des résidents de ces deux secteurs dans deux ou trois jours. Le 7 juin cependant, la promesse n’avait toujours pas été tenue.

Sheikh Hassan a expliqué que les raisons de la suspension étaient principalement à chercher du côté des procédures de déminage et aux problèmes de communication entre les diverses structures de l’armée libanaise. Il espère qu’elles ouvriront les secteurs B’ et C’ dans quelques jours. Il y a 40 maisons en B’ et 60 immeubles en C’ qui doivent être remis. Le 11 juin, l’UNWRA a annoncé que l’armée libanaise leur avait dit que la restitution de B’ et C’ aurait lieu à la mi-juin.

Les procédures de l’armée soulèvent des doutes. Abu Ali Mawed, membre de la commission de reconstruction, demande : « Comment ont-ils pu autoriser des gens, l’année dernière, à aller récupérer quelques affaires dans des maisons incendiées, pillées et détruites, s’il y avait toujours des engins non explosés dans le secteur ? Ils auraient d’abord dû déminer avant de laisser les gens entrer. Dans les primaat, beaucoup de maisons ne sont pas complètement détruites, ce qui facilite le déminage. Je suppose que les engins non explosés ont déjà été enlevés et que le déminage ne sert que de prétexte à retarder encore davantage la restitution des maisons. »

Selon l’UNRWA, l’armée et le Comité Populaire seront responsables de l’annonce et de la coordination des calendriers et de la logistique des familles revenant dans les Zones Prime.

Nidal Abdelal, du parti politique Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), hoche la tête : « Jusqu’à présent, ni le Comité Populaire ni l’UNRWA ne comprennent pourquoi l’armée ne restitue pas les primaat, de manière à laisser les gens y revenir. L’armée libanaise fixe des dates, mais ne les respecte pas ; c’est arrivé quatre ou cinq fois. Et jusqu’à aujourd’hui, des problèmes mineurs dans les détails les empêchent constamment de restituer les primaat. »

Abdelal souligne que les retards persistants des dates de restitution rendent les réfugiés sceptiques, et les inquiète. « Ils ont même traité l’UNRWA et le Comité Populaire de menteurs, » dit-il. « Ils donnent une date aux gens, puis ils la reportent. Ensuite, ils donnent une autre date, et à nouveau ils la reportent. A la fin, l’armée contrôle les primaat et est responsable de leur restitution. Ils devraient restituer les secteurs à l’UNRWA et au Comité Populaire et laisser les gens revenir. »

Un autre résident du camp, Abu Ali Mawed, a comparé la situation des résidents déplacés de Nahr al-Bared à celle des libanais du sud déplacés pendant la guerre de l’été 2006 : « Israël a largué environ 1 million de bombes à fragmentation sur le sud, mais les gens ont pu immédiatement rentrer chez eux à la fin de la guerre. Pourquoi, deux ans après, ne sommes-nous toujours pas autorisés à revenir dans nos maisons ? Nous avons posé ces questions au gouvernement, aux représentants de l’armée et aux hommes politiques de nombreuses fois, mais nous n’avons jamais eu de réponses claires. Ils n’arrêtent pas de nous donner des excuses boiteuses qui sont loin de nous convaincre. »

En plus de la restitution à venir des secteurs B’ et C’, d’autres questions restent sans réponse. Par exemple : Que se passera-t-il pour les maisons des primaat une fois qu’elles seront accessibles ? Ces maisons ont été évaluées et seront stabilisées et réhabilitées. Si ce n’est pas possible, et que leurs propriétaires sont d’accord, elles seront démolies. Une source anonyme à l’UNRWA pense que seuls quelques propriétaires accepteront la destruction totale de leurs maisons parce que les autres savent bien que le gouvernement libanais ne délivre pas de permis de construire aux Palestiniens pour construire dans le nouveau camp.

Actuellement, la restitution des zones A’ et E’ n’est pas programmée. Sheikh Hassan, du NBRC, dit qu’il y a des spéculations « que ces secteurs ouvriront dans les mois prochains. Cependant, il n’y a aucune garantie. E’ sera certainement ouvert le premier, et A’ le dernier. » L’accès à E’ semble dépendre du déblaiement des gravats et du processus de déminage dans les deux secteurs adjacents du vieux camp, parce qu’ils sont toujours lourdement contaminés par des engins non explosés. Selon Nidal Ayyub, de l’UNRWA, l’armée libanaise n’a pour l’instant « aucune intention d’ouvrir A’. »

Cependant, l’armée libanaise a le projet de construire une base militaire à Nahr al-Bared. Le 16 janvier, le gouvernement libanais a décidé d’établir également une base navale dans le camp. Ces projets concernent principalement les zones A’ et E’ et la bande côtière le long du vieux camp. Il y a juste quelques mois, les habitants du camp ont protesté avec force contre ces projets, que le gouvernement aurait laissé tomber.

Toutefois, c’est seulement quand l’armée libanaise fera clairement connaître ses intentions pour la restitution des parties restantes du camp que les inquiétudes des résidents seront dissipées – ou leurs craintes pour l’avenir de Nahr al-Bared confirmées.

Ce reportage était écrit par un de nos militantes. La version original anglaise se trouve ici sur Electronic Lebanon.