Apr 18, 2001

reportage: "Les Palestiniens ont un commerce, pas une économie"

2011-04-19
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L'Autorité palestinienne prépare l'établissement d'un Etat dans un avenir proche. Mais l'économie palestinienne reste fortement liée à Israël, et les fabricants lutte pour se remettre de la deuxième Intifada.

Le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient (UNSCO) et la Banque mondiale, dans des rapports récents, reconnaissent les progrès de l'Autorité palestinienne dans le renforcement des institutions et l'amélioration des fonctions gouvernementales, indiquant un bon positionnement pour l'établissement d'un Etat.

Selon la Banque mondiale, la croissance économique en Cisjordanie a atteint environ 7,6% du PIB en 2010. Ces chiffres doivent être cependant interprétés avec prudence. La Banque mondiale souligne que la croissance vient "principalement des donateurs" et "reflète une amélioration par rapport au niveau très bas atteint au cours de la deuxième Intifada."

La croissance n'est pas non plus durable et "reste entravée par les restrictions israéliennes," dit le rapport. La croissance ne touche pas tous les secteurs de l'économie palestinienne. Tandis que la construction est en plein essor, la production manufacturière a chuté de près de 6%, restant plus de 10% en dessous du niveau de 1999, souligne la Banque mondiale.
Dans la ville de Naplouse, nichée entre les monts Ebal et Gerizim, au nord de la Cisjordanie, les rues principales, défoncées par les bulldozers et les chars israéliens il y a près de dix ans, sont encombrées de voitures. Des feux de circulation ont remplacé la loi du chaos. Al Mujamma, un vaste complexe de dix étages, surplombe la vieille ville de Naplouse. On y trouve un centre commercial, un cinéma, plusieurs entreprises et une station de taxi en sous-sol.

Le samedi, des dizaines de Palestiniens d'Israël s'y pressent. Basel H. Kanaan, président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Naplouse, s'en réjouit, mais met en garde : "Ce n'est pas comme avant l'Intifada." Aujourd'hui, à Khan al-Tujjar, dans la vieille ville, où on vendait, il y a des siècles, des vêtements coûteux venant de Damas et du Caire, les commerçants se font mutuellement concurrence avec des produits de mauvaise qualité fabriqués en Chine.

"Les produits chinois détruisent nos commerces," dit Kanaan. Il explique que les produits locaux peuvent difficilement rivaliser avec les produits chinois. Selon Beshara Doumani, historien palestinien, Naplouse a longtemps été le centre le plus important de Palestine pour le tissage et la teinture des textiles. Ses fabricants de vêtements produisaient des vêtements bon marché pour la clientèle de masse des paysans et des classes urbaines inférieures.

Aujourd'hui, on estime que l'industrie palestinienne de vêtements et de textiles emploie environ 65.000 travailleurs, qui contribuent pour environ 15% à la production manufacturière. C'est à Naplouse que se trouve la plus haute concentration de commerces du textile. La grande majorité emploie moins de 10 employés.
Dans le quartier Aqaba, dans la vieille ville, Moaz Hlihil a 15 ouvriers. Son entreprise, située dans une vieille maison en pierres au plafond vouté, est pleine de tissus, de bobines de fil et de boîtes en bois, avec des portraits de Yasser Arafat sur le mur.

"Nous travaillons avec Israël," dit Hlihil. "Nos possibilités sont très limitées, nous sommes sous siège, Israël est notre seul marché." La plupart des fabricants palestiniens sous-traitent pour des entreprises israéliennes qui délocalisent les étapes de la production qui demandent le plus de main-d’œuvre à cause des bas salaires en Cisjordanie.

La confection de vêtements se compose de plusieurs étapes. Après la conception, le tissu est coupé et cousu. Puis les vêtements sont lavés, repassés, empaquetés et livrés. Les sous-traitants palestiniens reçoivent habituellement le tissu coupé. Enfin, le vêtement empaqueté est ré-exporté en Israël et vendu sur le marché local ou exporté, sous label israélien.

L'entreprise de Hlihil est l'une des rares qui conçoit et coupe elle-même. "Le travail reste le même, c'est la routine," dit Hihlil. Pendant l'Intifada, il a continué à produire malgré les conditions difficiles. "Notre situation était mauvaise, elle ne s'améliore pas et reste mauvaise."

Les employés d'Hlihil gagnent jusqu'à 20 dollars (14€) par jour. Les Israéliens paient à la pièce. "C'est simple," dit Hlihil, "si nous travaillons, nous gagnons de l'argent." Quelquefois, il n'y a plus de travail et ses ouvriers doivent trouver un autre moyen de compenser le manque de revenus. Hihlil admet qu'il est difficile de faire des prévisions parce que le travail se fait à la demande.
Selon la Banque mondiale, le chômage en Cisjordanie a diminué de 16,9% au cours du dernier trimestre 2010. Cependant, ce chiffre ne dit pas tout parce que le taux d'activité est faible et que le sous-emploi est élevé. Mohammad al-Aghbar, un des employés d'Hihlil, a des difficultés à subvenir aux besoins de sa famille si son revenu est instable. "Avant l'Intifada, on avait du travail tous les jours. Et aussi nos revenus étaient plus élevés parce que nos dépenses étaient plus faibles."

A la Chambre de Commerce et d'Industrie de Naplouse, le président Kanaan se dit heureux du rétablissement des liens entre les entreprises palestiniennes et les fabricants palestiniens. Pour lui, la sous-traitance dans la production textile ne pose pas de problème. "Ils nous donnent de l'argent et nos gars ont du travail," dit-il en souriant.

Le visage plus sérieux, Kanaan dit : "Ici à Naplouse, nous avons le commerce, mais pas l'économie !" Il explique qu'a cause de la destruction de nombreuses usines pendant l'Intifada, la fabrication locale lutte. "Nous ne produisons ici aucune valeur, il n'y a que le commerce. Mais le commerce consiste seulement à passer l'argent d'une poche à une autre."
Dans le secteur manufacturier de Naplouse, seule l'industrie du meuble a vu une amélioration, souligne Kanaan. A Zawata, village à côté à Naplouse, Amer Nayef Qatalony confirme et dit, "l'année 2010 a été excellente, la meilleure année depuis longtemps." Qatalony est directeur de l'usine de meubles al-Khulood.

En 2002, lorsque l'armée israélienne a attaqué constamment Naplouse, imposé un couvre-feu de près de 200 jours et un bouclage total, l'usine est partie à ar-Ram, près de Jérusalem. En 2006, elle s'est réinstallée à Naplouse. "Depuis, notre situation s'est améliorée lentement mais sûrement," dit Qatalony.

Qatalony dit que la concurrence chinoise pousse les prix à la baisse et menace les producteurs locaux. Il est sûr cependant que beaucoup de gens savent que les meubles produits localement sont de meilleure qualité. "Heureusement, beaucoup de clients ne regardent pas que le prix."

Grâce à l'augmentation des ventes, la société emploie aujourd'hui environ 90 personnes, par rapport aux 30 avant le soulèvement. "Nos clients venaient d'Israël et de toute la Cisjordanie," se souvient-il. Aujourd'hui, ils reviennent lentement.

Ce reportage était écrit par Ray Smith. La version original Anglaise a été publié ici par IPS Inter Press Service.