2009-06-15
[en] [de]Les trois mois de guerre entre l’armée libanaise et les militants de Fatah al-Islam, dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr al-Bared, au nord Liban, se sont terminés le 2 septembre 2007. Alors que l’armée libanaise a autorisé les résidents déplacés à revenir dans certaines parties du camp, le sort des autres, toujours sous le contrôle de l’armée, reste incertain.
Le camp de Nahr al-Bared est constitué de deux parties : la «vieille» et la «nouvelle». Le camp de réfugiés original, ou «vieux» camp, a été établi en 1949 sur un morceau de terre 16 km au nord de la ville libanaise de Tripoli. En 1950, l’Agence des Nations Unis pour les Réfugiés Palestiniens (UNRWA) a commencé à fournir ses services aux résidents du camp. Au cours des années, la densité de la population de Nahr al-Bared a énormément augmenté, alors que ceux qui pouvaient se le permettre quittaient les limites du camp officiel et s’installait dans le voisinage immédiat. C’est ce secteur qui est maintenant appelé «le nouveau camp», ou «la partie adjacente», et appartient aux municipalités libanaises de Muhammara et Bhannine. Tandis que les habitants du nouveau camp bénéficient des services éducatifs, de santé et d’aide sociale de l’UNRWA, l’agence n’a pas de mandat pour la construction et la maintenance de l’infrastructure et des maisons dans cette zone.
Depuis que les combats dans le camp se sont terminés il y a presque 2 ans, la plus grande partie du «vieux camp» a été passée au bulldozer et la reconstruction doit commencer le mois prochain. Le long du périmètre du vieux camp, cependant, les ruines de plus de 200 maisons sont toujours là. Elles sont sous le seul contrôle de l’armée libanaise, qui empêche toujours les résidents d’y revenir.
En octobre 2007, environ un mois après que l’armée libanaise aient déclaré la victoire, la première vague de réfugiés a été autorisée à revenir dans certaines parties du nouveau camp. Dans les mois qui ont suivi, l’armée s’est graduellement retirée du nouveau camp et a rendu les maisons et les ruines à leurs anciens habitants. Cependant, la transmission n’a pas été complète. Au moins 250 maisons du nouveau camp, adjacent au vieux camp, restent inaccessibles leurs habitants, entourées de fils de fer barbelés et contrôlées par l’armée libanaise. Ces secteurs sont maintenant appelés «Zones Prime», connus parmi les réfugiés sous le terme arabe de «primaat». Il y a A'-, B'-, C'- et E'-Prime (photo ci-dessus).
Adnan, qui a refusé de donner son nom de famille, travaille dans un petit magasin du quartier Corniche, adjacent à la zone E’. Il a attendu la transmission du secteur par l’armée. « Ils vous disent, ‘la semaine prochaine, le mois prochain’. Mais rien ne se passe. Ils disent, ‘on doit d’abord retirer les bombes et les gravats, ensuite on laissera les gens entrer’. Ce sont des mots vides. Personne n’est honnête. Ils nous mentent sans arrêt, » se plaint Adnan.
Un logement provisoire sert de bureau improvisé à la Commission de Reconstruction de Nahr al-Bared pour l’action civile et les études (Nahr al-Bared Reconstruction Commission for Civil Action and Studies - NBRC), un comité de la base populaire très impliqué dans le planning de la reconstruction du vieux camp. Abu Ali Mawed, un membre actif de NBRC, est propriétaire d’un des 120 bâtiments de la Zone E’, et attend de le récupérer depuis 21 mois. « Une fois de plus, l’armée dit qu’ils ouvriront les primaat, mais elle dit qu’elle doit d’abord les nettoyer des munitions non explosées et des gravats. Où étaient les gens responsables de ce travail, ces deux dernières années ? Soyons francs : ce secteur peut être déminé et nettoyé en moins d’un mois ! »
Ismael Sheikh Hassan, architecte bénévole et planificateur au NBRC, dit : « La principale raison du retard, c’est l’armée. Ils n’ont pris la décision, au niveau du commandement, de permettre au gens de rentrer que le mois dernier. »
Depuis la fin mai, il semble que les choses aient avancé. Le 19 mai, une entreprise de l’UNRWA a commencé à enlever les gravats dans la zone B’ et des équipes de déminages ont démarré leur travail. Dans sa mise à jour hebdomadaire du 3 juin, l’UNRWA écrit que son entreprise a terminé l’enlèvement des gravats dans les zones B’ et C’. Dans une réunion entre l’armée libanaise, le Comité populaire de Nahr al-Bared, les partis palestiniens et l’UNRWA le 2 juin, l’armée a annoncé son intention de permettre le retour des résidents de ces deux secteurs dans deux ou trois jours. Le 7 juin cependant, la promesse n’avait toujours pas été tenue.
Sheikh Hassan a expliqué que les raisons de la suspension étaient principalement à chercher du côté des procédures de déminage et aux problèmes de communication entre les diverses structures de l’armée libanaise. Il espère qu’elles ouvriront les secteurs B’ et C’ dans quelques jours. Il y a 40 maisons en B’ et 60 immeubles en C’ qui doivent être remis. Le 11 juin, l’UNWRA a annoncé que l’armée libanaise leur avait dit que la restitution de B’ et C’ aurait lieu à la mi-juin.
Les procédures de l’armée soulèvent des doutes. Abu Ali Mawed, membre de la commission de reconstruction, demande : « Comment ont-ils pu autoriser des gens, l’année dernière, à aller récupérer quelques affaires dans des maisons incendiées, pillées et détruites, s’il y avait toujours des engins non explosés dans le secteur ? Ils auraient d’abord dû déminer avant de laisser les gens entrer. Dans les primaat, beaucoup de maisons ne sont pas complètement détruites, ce qui facilite le déminage. Je suppose que les engins non explosés ont déjà été enlevés et que le déminage ne sert que de prétexte à retarder encore davantage la restitution des maisons. »
Selon l’UNRWA, l’armée et le Comité Populaire seront responsables de l’annonce et de la coordination des calendriers et de la logistique des familles revenant dans les Zones Prime.
Nidal Abdelal, du parti politique Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), hoche la tête : « Jusqu’à présent, ni le Comité Populaire ni l’UNRWA ne comprennent pourquoi l’armée ne restitue pas les primaat, de manière à laisser les gens y revenir. L’armée libanaise fixe des dates, mais ne les respecte pas ; c’est arrivé quatre ou cinq fois. Et jusqu’à aujourd’hui, des problèmes mineurs dans les détails les empêchent constamment de restituer les primaat. »
Abdelal souligne que les retards persistants des dates de restitution rendent les réfugiés sceptiques, et les inquiète. « Ils ont même traité l’UNRWA et le Comité Populaire de menteurs, » dit-il. « Ils donnent une date aux gens, puis ils la reportent. Ensuite, ils donnent une autre date, et à nouveau ils la reportent. A la fin, l’armée contrôle les primaat et est responsable de leur restitution. Ils devraient restituer les secteurs à l’UNRWA et au Comité Populaire et laisser les gens revenir. »
Un autre résident du camp, Abu Ali Mawed, a comparé la situation des résidents déplacés de Nahr al-Bared à celle des libanais du sud déplacés pendant la guerre de l’été 2006 : « Israël a largué environ 1 million de bombes à fragmentation sur le sud, mais les gens ont pu immédiatement rentrer chez eux à la fin de la guerre. Pourquoi, deux ans après, ne sommes-nous toujours pas autorisés à revenir dans nos maisons ? Nous avons posé ces questions au gouvernement, aux représentants de l’armée et aux hommes politiques de nombreuses fois, mais nous n’avons jamais eu de réponses claires. Ils n’arrêtent pas de nous donner des excuses boiteuses qui sont loin de nous convaincre. »
En plus de la restitution à venir des secteurs B’ et C’, d’autres questions restent sans réponse. Par exemple : Que se passera-t-il pour les maisons des primaat une fois qu’elles seront accessibles ? Ces maisons ont été évaluées et seront stabilisées et réhabilitées. Si ce n’est pas possible, et que leurs propriétaires sont d’accord, elles seront démolies. Une source anonyme à l’UNRWA pense que seuls quelques propriétaires accepteront la destruction totale de leurs maisons parce que les autres savent bien que le gouvernement libanais ne délivre pas de permis de construire aux Palestiniens pour construire dans le nouveau camp.
Actuellement, la restitution des zones A’ et E’ n’est pas programmée. Sheikh Hassan, du NBRC, dit qu’il y a des spéculations « que ces secteurs ouvriront dans les mois prochains. Cependant, il n’y a aucune garantie. E’ sera certainement ouvert le premier, et A’ le dernier. » L’accès à E’ semble dépendre du déblaiement des gravats et du processus de déminage dans les deux secteurs adjacents du vieux camp, parce qu’ils sont toujours lourdement contaminés par des engins non explosés. Selon Nidal Ayyub, de l’UNRWA, l’armée libanaise n’a pour l’instant « aucune intention d’ouvrir A’. »
Cependant, l’armée libanaise a le projet de construire une base militaire à Nahr al-Bared. Le 16 janvier, le gouvernement libanais a décidé d’établir également une base navale dans le camp. Ces projets concernent principalement les zones A’ et E’ et la bande côtière le long du vieux camp. Il y a juste quelques mois, les habitants du camp ont protesté avec force contre ces projets, que le gouvernement aurait laissé tomber.
Toutefois, c’est seulement quand l’armée libanaise fera clairement connaître ses intentions pour la restitution des parties restantes du camp que les inquiétudes des résidents seront dissipées – ou leurs craintes pour l’avenir de Nahr al-Bared confirmées.
Ce reportage était écrit par un de nos militantes. La version original anglaise se trouve ici sur Electronic Lebanon.