2009-11-25
[en] [de] [tr]Plus de deux ans après que leur camp ait été détruit dans une guerre entre l’armée libanaise et le groupe militant islamiste Fatah al-Islam, les réfugiés de Nahr al-Bared ont été mercredi témoins du début de la reconstruction du camp. Leur soulagement est cependant mêlé de scepticisme.
Etabli en 1949, le camp de réfugiés de Nahr al-Bared, dans la région Akkar, au nord du Liban, héberge plus de 30.000 résidents. A l’été 2007, le camp a été totalement détruit lorsque les forces armées libanaises (FAL) ont combattu un groupe de militants bien équipé, pour la plupart non Palestiniens, qui s’était emparé du camp.
Pendant les 15 semaines de guerre, la population locale a rapidement créé une commission. Au début 2008, celle-ci avait réalisé un plan de reconstruction du camp, qui a reçu l’approbation du gouvernement libanais et de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA).
Le déblaiement des gravats et les travaux réels de reconstruction ont été cependant retardés plusieurs fois. Au printemps 2009, la première pierre de la reconstruction de Nahr al-Bared a été posée et des discours prononcés, mais la zone éclaircie au bulldozer est restée intacte. Les travaux devaient commencer pendant l’été 2009, mais le chef du Mouvement patriotique libre et ancien général Michel Aoun a bloqué la décision gouvernementale de reconstruire Nahr al-Bared et un moratoire de deux mois pris par le conseil d’Etat du Liban a stoppé tous les travaux sur le terrain.
Aux premières heures du 25 novembre, des officiels de l’UNRWA, des représentants de divers partis palestiniens et des organisations communautaires – y compris les habitants déplacés de Nahr al-Bared – gardés par des soldats libanais, ont assisté et applaudi lorsque le béton des fondations des premières maisons a coulé d’un camion.
Mahmoud Eshtawi, père de deux enfants, a passé les dix-huit derniers mois dans un abri en fer de 18m². Son seul métier, actuellement, est de conduire, deux fois par jour, l’autobus du jardin d’enfants local. Il est soulagé : « Nous avons vécu dans des conditions très difficiles dans nos abris. Je me sens mieux, ce que j’ai vu aujourd’hui me donne l’espoir qu’ils reconstruisent le camp. » Sa sœur Manal hoche la tête : « Je suis heureuse. Même si je ne sais pas combien de temps cela prendra, j’ai l’espoir de revenir chez moi. Notre retour est très important. »
Les retards variés, au cours des deux dernières années, ont provoqué un pessimisme largement partagé par les réfugiés de Nahr al-Bared. « Du début à aujourd’hui, nous avons été confrontés à beaucoup d’obstacles et de retards. On aurait pu reconstruire le camp, pendant ces deux ans et demi, » dit Abu Khaled Freji. Il a participé à la Commission pour la Reconstruction du Camp de Nahr al-Bared (NBRC) depuis le début, pendant la guerre. Il explique que les gens qui ont vécu dans des garages et des baraquements se sont souvent sentis trahis et floués, et il ajoute : « C’est juste le début, rien de plus. Nous avons toujours balancé entre l’espoir et la frustration. Ayant vécu dans une situation très difficile et épuisante, j’hésite à me sentir extrêmement heureux parce qu’ils viennent juste de verser un peu de béton aujourd’hui. »
L’accès aux lisières de Nahr al-Bared, comme au site de construction, est toujours contrôlé par les forces armées libanaises. Amr Saededine, journaliste qui suit de près les développements à Nahr al-Bared, désigne les FAL comme un gros obstacle au processus de reconstruction. « L’armée interfère dans tout. Nahr al-Bared a été déclaré ‘zone militaire’. Mais ici, c’est une zone civile, pas une base de l’armée ! »
Saededine dit que les FAL n’ont cessé de demander des changements du plan de reconstruction. « Au début, l’armée ne voulait pas que les maisons aient des balcons, par exemple. Ils ont aussi demandé que les rues soient assez larges pour que les chars puissent entrer. »
Le financement de la reconstruction de Nahr al-Bared est une autre question ouverte. Jusqu’à maintenant, l’UNRWA n’a pu réunir qu’environ un tiers des 328 millions de dollars nécessaires. La semaine dernière, les représentants d’une douzaine d’organisations donatrices ont visité Nahr al-Bared. Les fonctionnaires de l’UNRWA ont récemment exprimé leur optimisme que le début de la reconstruction et la formation du nouveau gouvernement libanais attirent davantage de financements.
En conséquence du siège du camp par les FAL et de la destruction de ces commerces, le chômage s’est drastiquement propagé à Nahr al-Bared. Mercredi, de nombreux jeunes gens ont repris espoir. Mohammad Eshtawi a passé le plus clair de son temps, ces deux dernières années, à boire du café et à aller s’asseoir ça et là, n’ayant que rarement l’occasion de travailler et de gagner un peu d’argent. Son humeur s’est transformée en un optimisme prudent. « Nous attendons le début des travaux depuis si longtemps. J’espère que beaucoup d’entre nous trouverons du travail dans la reconstruction, » dit Eshtawi. « C’est une longue entreprise. J’espère que moi et mon père seront employés ici, nous aussi. »
Ce reportage était écrit par Ray Smith. La version original Anglaise a été publié ici par IPS Inter Press Service.